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Tezuka, « les 3 Adolf », et la fable des prétendues origines juives d’Hitler

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L’Histoire des 3 Adolf vient de ressortir aux éditions Delcourt-Tonkam. Il s’agit d’un thriller brillant, de près de 1200 pages, écrit et dessiné par le « Dieu des mangas », Osamu Tezuka. Le problème, c’est qu’une fable tenace est au cœur de son intrigue : les prétendues origines juives d’Hitler.

© Editions Delcourt – Tonkam / Tezuka Productions.

En 1983, le mangaka Osamu Tezuka entre de plain-pied dans un domaine qu’il n’avait pas encore exploré jusque-là : le Gekiga. Ce vocable, forgé par Yoshihiro Tatsumi en 1957, désigne au Japon une bande dessinée « dramatique » à thème politico-social, destinée aux adultes. Il le fait avec un sujet aussi curieux qu’inédit pour les Japonais : la Deuxième Guerre mondiale en Europe.

Parmi les « 3 Adolf » de son titre, il y a celui qu’on connaît : le moustachu cinglé qui a réussi à entraîner l’Allemagne dans une des plus grandes folies meurtrières de tous les temps ; il y a Adolf Kamil, le fils d’un boulanger juif de Kobé, là où résidaient la plupart des Juifs au Japon ; et Adolf Kaufman, le fils d’une Japonaise mariée à un diplomate nazi.

Un souvenir d’enfance

Pourquoi Tezuka s’intéresse-t-il à ce sujet ? Sans doute parce que la diffusion en 1978 du feuilleton Holocaust de Marvin Chomsky, gratifié de huit Emmy Awards et de deux Golden Globe Awards, a frappé l’opinion au-delà de toute attente, jusqu’au Japon. Mais surtout parce que cette histoire est liée, pour Tezuka, à un souvenir de jeunesse.

En 1940, alors que les nazis progressaient en Pologne et que les pays baltes avaient été annexés par les Soviétiques, des milliers de Juifs refluèrent vers la Lituanie. Le consul japonais Chiune Sugihara délivra, contre l’avis de sa hiérarchie, des visas qui sauvèrent près de 6000 Juifs. Ceux-ci, passés par Kobé, suscitèrent la curiosité du public japonais, dont le père d’Osamu Tezuka, animateur d’un club de photographie à Osaka, qui emmena son fils de 11 ans photographier les Juifs polonais et baltes arrivés à Kobé, en transit vers des cieux plus cléments. Tezuka s’en souviendra en dessinant cette première histoire pour adultes. L’Histoire des 3 Adolf, la seule bande dessinée à ma connaissance à évoquer le consul Chiune Sugihara et la seule à représenter la « Shoah par balles », comme l’a montré l’exposition au Mémorial de la Shoah « Shoah et bande dessinée » (2017) dont Joël Kotek et moi étions les commissaires.

Ce qui frappe dans cet album, c’est la qualité de la documentation. Tezuka fit plusieurs fois le voyage en Europe, profitant pour se documenter de ses déplacements dans les festivals de cinéma où ses œuvres étaient projetées. Ses intentions sont sans équivoque : c’est un humaniste avéré. Il suffit de lire ses chef-d’œuvres comme Ayako ou MW pour en être convaincu.

Osamu Tezuka (1928-1989)

Hitler, juif ?

Reste que pour être bien documentée, cette saga souffre d’un travers remarquable : tout le « plot » repose sur l’idée que le héros détient des documents prouvant les origines juives de Hitler, ce qui décrédibiliserait sa politique raciale et ce qui justifie que la Gestapo soit à ses trousses. Il n’y a pas malice du côté de Tezuka : la fable courait depuis longtemps et sa démonstration, notamment lorsqu’il fait de l’un de ses protagonistes, Adolf Kaufman, un enfant de sang mêlé entre un Européen et une Japonaise, cherche à prouver l’absurdité de la thèse de la supériorité d’une race sur une autre. La chose était assez peu documentée à l’époque, mais de nos jours, des études d’historiens sérieux, en particulier celles de l’historien britannique Ian Kershaw, ont complètement anéanti cette légende qui trouve sa source dans les origines sociales déjà brouillées d’Hitler : son père, enfant illégitime, prit le nom de son tuteur : Johann Nepomuk Hüttler qu’il transforma ensuite en Hitler. Une enquête minutieuse a cependant permis d’affirmer que les théories sur ses origines juives ne reposent sur aucun fondement. Les négationnistes de la première comme de la dernière heure trouvèrent là une bonne occasion de « brouiller les cartes ».

Une fable négationniste

Hans Frank (Bundesarchiv, 1939)

La thèse des origines juives d’Hitler a été inventée par Hans Frank, gouverneur nazi du Gouvernement général de Pologne et à ce titre directement responsable des ghettos et des camps d’extermination de Majdanek, Treblinka, Sobibor, Belzec, Auschwitz-Birkenau et Chelmno. Condamné à Nuremberg, il rédige, dans l’attente de son exécution (il sera pendu par les Alliés en 1946), des « mémoires » où il affirme avoir découvert qu’Hitler avait des origines juives. La fable persistera dans les années 1980 jusqu’à ce qu’une longue enquête de l’historien britannique Ian Kershaw en démontre l’inanité [1].

Pourquoi cette thèse persiste-elle ? D’abord en raison de la commodité de justifier que cette affaire de Shoah n’était en définitive qu’une « histoire de juifs ». Un écrivain comme Pierre Gripari expliqua, dans un syllogisme pénétré d’antisémitisme, qu’Hitler était non pas juif « par le sang » mais « par la pensée » puisque, selon lui, « le reproche que l’on puisse faire à Hitler, c’est d’avoir été lui-même “Juif”, dans le seul sens valable des mots, c’est-à-dire un Monsieur qui croyait faire partie d’une race élue et qui avait des droits sur les autres » [2]. Hitler étant lui-même juif, l’assassinat de ses propres coreligionnaires par ses soins ne serait en fait qu’une affaire interne qui exonérerait tout autre responsable de la « solution finale », voire du corps social allemand dans son entier.

Heureusement, l’édition française de L’Histoire des 3 Adolf contient une introduction critique signée par Koseï Ono et par moi-même qui signale le petit défaut de ce grand chef-d’œuvre.

 

Notes :

[1] Ian Kershaw, Hitler, Flammarion, 1998.

[2] Pierre Gripari, Défense de l’Occident, n°137, 23e année, mars-avril 1975.


Un système d’avertissement automatique pour lutter contre les intox sur les réseaux sociaux ?

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Suite aux propos polémiques tenus mercredi dernier par le PDG de Facebook quant à son refus de considérer les contenus négationnistes comme incitant intentionnellement à la haine, Yair Rosenberg, du magazine en ligne américain Tablet, livre dans The Atlantic ses réflexions sur les moyens de lutter efficacement contre la prolifération des thèses conspirationnistes et négationnistes sur les réseaux sociaux. Estimant que la censure présente l’inconvénient de cibler l’effet sans toucher à la cause de la haine sur internet, le journaliste propose que les plateformes telles que Facebook et Twitter mettent en place un système d’avertissement automatique de leurs utilisateurs lorsque ces derniers consultent une page ou un compte promouvant ce type de thèses. « Des interventions de ce genre devraient se limiter à des cas extrêmes [comme] le négationnisme, le Pizzagate, les théories du complot sur le massacre de Sandy Hook, etc. […] Mais simplement s’attaquer de la sorte aux cas évidents de désinformation sur Facebook contribuerait grandement à atténuer le problème ». Le journaliste rappelle l’expérience qu’il avait conduite de décembre 2016 à décembre 2017 avec le développement d’une application Twitter, un bot appelé Impostor Buster permettant de signaler les comptes racistes et antisémites présents sur la plateforme de microblogging.

Défense Benalla : la théorie du complot comme élément de langage

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C’est une théorie du complot apparue sur les réseaux sociaux la semaine dernière et dont nous rendions compte dès samedi sur Conspiracy Watch. Elle est devenue hier un élément de langage de la défense d’Alexandre Benalla. L’avocat de ce dernier, Me Laurent-Franck Liénard, a déclaré mardi 24 juillet sur BFMTV :

« Je pense que le scandale d’Etat et l’affaire d’Etat sont montés de toutes pièces et on a utilisé ça à dessein pour casser un effet Coupe du monde […] pour casser une dynamique positive. […] Pour atteindre la présidence de la République, on utilise un fusible qui s’appelle Alexandre Benalla ».

Pour mémoire, l’affaire Benalla a éclaté il y a une semaine à la suite de la publication, dans Le Monde, d’un article d’Ariane Chemin révélant la discrète sanction dont a écopé Alexandre Benalla en mai 2018 après s’être livré à des violences sur un manifestant. Du reste, rien n’indique que la côte de popularité d’Emmanuel Macron a bénéficié d’un quelconque « effet Coupe du monde » suite à la victoire des Bleus le 15 juillet dernier.

 

NordPresse : du canular à la théorie du complot

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Depuis dimanche 22 juillet, Vincent Flibustier dénonce la prétendue « censure » qui se serait abattue sur les contenus de son site, NordPresse.be, pendant quelques heures en raison, selon lui, de son traitement de l’affaire Benalla. Pour Marcel Sel, le fondateur du site parodique a définitivement dépassé les bornes : celles qui le séparaient encore récemment des sites complotistes.

Le complotisme est la fabrication de complots imaginaires sur base de fausses informations, de faits hors contexte, ou dont le sens est tronqué, et de suggestions tendancieuses. Le tout visant à  rendre ces constructions fabuleuses crédibles. Le complotiste crée ainsi un univers de « vérité » qui mélange la paranoïa, le mensonge délibéré et utilise souvent la peur du pouvoir pour s’imposer en contre-pouvoir. 

Nordpresse, de Vincent Flibustier est objectivement un site complotiste depuis deux jours. Et ça pose deux énormes problèmes. Le premier, c’est qu’il donne des cours d’anti-fake-news à nos pauvres enfants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, sous l’égide d’enseignons.be et avec la participation de profs de l’IHECS (pu-rée !) 

Le second, c’est qu’il se trouve sur la liste bruxelloise d’Ecolo pour les communales, et que le parti ne trouve jusqu’ici rien à redire aux pratiques du pirate buzzant. Selon Ecolo, il est tout à fait conforme aux valeurs du parti. Ce qui rapprocherait Ecolo de formations comme le mouvement Cinq étoiles italien.

Ce qui rend le complotisme particulièrement pervers, c’est que pour démonter ses fabrications, il faut — en bon journaliste — revérifier chaque fait de chaque article, confronter chaque affirmation aux faits, et l’article de désintoxication que cela produit est forcément ardu, sans compter le temps qu’il prend à pondre. Depuis quelques temps, plusieurs journaux ont lancé des équipes de décodage (Les Décodeurs du Monde, Libé Désintox) dont le rôle est notamment de rendre ces déconstructions plus rapides à lire, et d’y intéresser le public. 

Mais en réponse, il suffit que le complotiste écrive « ils mentent » et invente une raison « crédible » (généralement liée au financement des journaux) pour que le travail de ces décodeurs s’effondre littéralement en deux mots. La plupart des complotistes affirment ainsi que ces équipes de décodage sont au service du pouvoir. On trouve ce type d’affirmation dans la galaxie de Michel Collon comme à l’extrême droite. On la trouve désormais aussi chez Vincent Flibustier qui accuse les deux grands décodeurs (Le Monde et Libé) d’être au service du pouvoir, et s’est fendu d’un billet « le fact-checking, c’est de la merde ».

Démonter le conspirationnisme est d’autant plus ardu si l’on ne dispose pas de preuves accablantes. Dans ce cas, le complotiste propose à ses lecteurs une explication imaginaire dont il fonde la preuve sur… l’absence de preuve. Exemple : « puisque qu’il n’y a aucune image de l’arrivée d’un avion de ligne sur la façade du Pentagone le 11 septembre 2001, c’est bien qu’il n’y a pas eu d’avion qui s’est écrasé sur le Pentagone ». Ce faisant, le complotiste instille le doute y compris sur des événements incontestables et faciles à démontrer. Son pouvoir sur les événements moins « marquants » est d’autant plus grand. Si Facebook parle d’un bug, c’est forcément qu’il cache quelque chose… Non ? Ah ben, si, hein ! Puisque Flibustier le dit !

La secte Moonpresse

Le complotiste crée aussi progressivement un cercle de croyants, s’imposant comme l’outil de la seule vérité, au détriment des médias généralistes, qu’il présente systématiquement comme manipulateurs. Ce public est rendu sectaire par la croyance que le complotiste qui le contrôle détient la vérité (le gourou), et que tous les autres sont des menteurs animés, généralement, par l’argent. Il peut aussi prétendre être haï (c’est ce que Flibustier a trouvé en ce qui me concerne — alors que je ne le connais même pas !), ou pourchassé par une horde d’horribles journalistes qui lui veulent du mal parce que, justement, il dit la vérité qu’ils veulent dissimuler ! 

Il crée ainsi un univers paranoïaque et invite les lecteurs à s’y réfugier avec lui contre un monde très méchant. Il prétend par ailleurs bien évidemment servir la démocratie et la défendre contre ses ennemis (les élites, les journalistes, le gouvernement en place, toute personne qui le contredit, etc.)

Dans une vidéo présentant son activité dans les écoles, Flibustier expliquait par exemple vouloir susciter « l’éveil du fait que les journalistes, même s’ils s’en défendent, ne sont pas parfaits du tout, et font partie souvent d’un système qui est régi par beaucoup d’intérêts financiers et qui du coup, y’a des choses à critiquer là-dedans (sic) (sic) (sic) ». Première manipulation : aucun journaliste n’a jamais affirmé être parfait ! Seconde manipulation : mêler les intérêts financiers à la question du journalisme est une manière commode de jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession.

Typiquement, ce sont les extrêmes gauche et droite qui ont le plus naturellement recours au complotisme. Il en va ainsi aujourd’hui du Peuple de Modrikamen (qui affirme détenir la vérité jusque dans son slogan) comme d’Investig’action de Michel Collon (qui prétend corriger les « médiamensonges » de tous les autres médias, vendus pour la plupart à… Israël lorsqu’ils sont français), comme d’une flopée d’autres médias tendancieux. Tous ont en commun la haine des journalistes « mainstream ».

Depuis 48 heures, Nordpresse de Vincent Flibustier fait donc objectivement partie de cette galaxie. 

À partir de l’impossibilité de partager ses contenus de fake-news humoristiques sur Facebook par un certain nombre de ses abonnés, il a crié à la censure et a imaginé un complot ourdi contre lui par… l’Élysée (rien que ça !) Pour démontrer ce point, il a d’abord prétendu que seuls les articles concernant l’affaire Benalla par le président français Emmanuel Macron faisaient l’objet d’une telle « censure » (ce qui était faux selon plusieurs médias et non des moindres). Notez la subtilité : puisqu’il s’agit de l’affaire Benalla, c’est forcément un ordre de Macron. 

Démontage facile :

1. il ne s’agit pas uniquement de l’affaire Benalla (les autres articles de Nordpresse avaient aussi des problèmes de partage),

2. Macron ne connaît probablement pas Nordpresse,

3. aucun autre média n’a fait l’objet d’une « censure » similaire.

La probabilité que l’Élysée ait ordonné une telle limitation du partage des imbécillités facétieuses de Nordpresse est donc proche du zéro absolu. Qu’importe. Flibustier a alors affirmé que la Ligue des Droits de l’Homme avait eu le même problème. Badaboum ! 

Eh non, celle-ci a répondu qu’elle avait juste eu un problème lié à un raccourcisseur d’URL. Peu importe, l’info est lancée, elle continuera à être présentée comme argument à qui veut y croire. La LDH, rendez-vous compte ! 

Libé, Facebook, Macron, tous pourris !

Et lorsqu’une demi-douzaine de journaux français ont finalement démonté le complot, se basant notamment (mais pas uniquement) sur la réponse de Facebook (« c’est un bug »), Flibustier a cherché des preuves de la collusion entre Facebook et l’un de ces médias et a publié un article titré « Réponse à Libération qui raconte n’importe quoi pour protéger son client Facebook ». Rien que le titre vaut son pesant de complotisme ! 

Extraits de cet article :

« Il y a actuellement un Check-News de Libération qui essaye de faire croire qu’on a essayé de mener en bateau les gens, qu’on a crié sans raison à une action humaine pour nous virer. Check-News de Libération est rémunéré par Facebook en tant que média vérificateur à hauteur de près de 800 euros par information vérifiée pour le compte de Facebook (selon leurs propres chiffres) et font ici totalement confiance à Facebook dans leurs explications, sûrement encore un hasard. »

Notez ici la suggestion : Flibustier n’a aucune preuve que Facebook ment, alors, il insinue…

« Facebook finance donc Libération pour plusieurs dizaines de milliers d’euros » Euh non, ce n’est pas un financement, c’est un deal. « Ils le disent eux-même, ça finance 2 emplois à temps plein. Ne croyez donc pas ceux qui vous disent qu’on vous a menti, ce n’est pas le cas. »

La dernière ligne est fabuleuse : en utilisant une relation commerciale entre l’un des journaux qui a publié un désintox du « complot » Nordpresse, ce dernier invite à ne croire aucun de ces articles !

Admirez le procédé : si Libé a un accord financier avec Facebook pour repérer des Fake News, c’est bien que Libé roule pour Facebook. Et donc, si Libé défend Facebook contre Nordpresse, c’est bien que Nordpresse a raison contre cet horrible consortium financier. En focalisant l’attention sur une pseudo-entente entre les deux, Nordpresse détourne l’attention d’un fait bien plus important : tous les médias sérieux qui ont étudié le cas Nordpresse (Marianne, Le Monde, Libé, L’Express, Arrêt sur Image) arrivent à la même conclusion ! Mais en focalisant sur Libé, Flibustier jette l’opprobre sur tous les autres journalistes !

Toujours dans le même article, Flibustier, ou un de ses avatars, écrit à la fois « on ne sait pas exactement ce qui a causé ça » mais aussi « l’État français a directement piloté la censure de Génération Identitaire et ne s’en cache pas donc a la possibilité de faire rapidement et discrètement disparaître du contenu sur Facebook ».

Ici, Nordpresse suggère que l’État a forcément fait le job et qu’on ne nous dit pas tout, on nous cache tout, on nous dit rien. 

Et le bouquet final : « Laurent Solly, patron de Facebook France, est un ancien sarkozyste et haut fonctionnaire. » Tenez, tenez ! Et donc, si le type connaît Sarko, il est forcément pro-Macron, et il lui obéit quand ce dernier a un problème si grave avec les conneries de Vincent Flibustier qu’il ressent un pressant besoin d’empêcher les internautes de partager son contenu ! Badaboum !

Les copains identitaires du pirate ecolo

Revenons à la fermeture de la page de Génération Identitaire, que Flibustier présente comme une « preuve » de la manie de l’État français de censurer. Pour rappel, Génération Identitaire, ce sont ces gens qui s’en sont allés dans le Briançonnais pour empêcher les migrants d’entrer en France. De fieffés racistes. Cette fermeture de page était une action de Facebook contre ce groupe qui incitait à la haine raciale parce que c’est contraire aux règles du réseau social. L’affirmation que l’État français a quelque chose à y voir repose sur un et un seul tweet de Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’homophobie qui lui-même répondait à un tweet dans lequel la Licra se réjouissait de la fermeture de cette page antimigrants. Potier répondait simplement : « Je confirme, et ce n’est pas un incident technique… » Point. En effet, ce n’était pas un incident technique, puisque Facebook a rapidement expliqué que c’était une fermeture définitive.

Alors que Flibustier se montrait proche du mouvement citoyen au parc Maximilien au point de séduire Ecolo Bruxelles, il défendait donc aussi Génération identitaire bec et ongles, contre la « méchante » LICRA, expliquant (j’espère que là, quelques écolos vont s’étrangler) : « Non, la suppression de la page Facebook des dégénérés de Génération Identitaire n’est pas une bonne nouvelle pour notre société, contrairement à ce que cherche à faire croire la LICRA, notamment. » Ou encore : « Ils ont le droit d’exprimer ce qu’ils cherchent à exprimer. Ils ont le droit d’avoir peur de l’étranger et le manifester. Ils ont le droit de défendre leur identité, de la même manière que des groupes communautaristes cherchent à le faire. […] Cette peur de l’étranger, elle est partagée par beaucoup de nos concitoyens. »

Suite à quoi, Flibustier reprend un laïus né sur les réseaux d’extrême droite et commun à Egalité et Réconciliation, Génération identitaire, Français de Souche ou encore Marine Le Pen : « Oui, en 2018, la censure d’État existe en France. Dans un tweet, un préfet responsable de la lutte anti-racisme se félicite de la suppression de la page, confirmant à demi-mots d’y avoir participé. » Eh non, il n’a rien confirmé du tout ! Mais ça lui permet de conclure : « Nous sommes donc face à un État défaillant qui, plutôt que de réussir à convaincre ses concitoyens du bien fondé de sa politique, cherche à faire taire ses opposants. » Euh… On parle d’extrême droite raciste, quand même…  « Nous sommes face à un État qui, plutôt que de condamner les propos racistes, la haine, ordonne à une société américaine de censurer les contenus. » Un ordre ? Quel ordre ? Où est la preuve ? Où est la source ? À cela s’ajoute l’affirmation que c’est la France qui a le plus demandé à Facebook de censurer des partages Facebook. 38.000 fois en 2016. Sauf que dans 32.000 cas, il s’agissait de la seule image des cadavres à l’intérieur du Bataclan ! Bref, tout est bon, même le pire. Bien sûr, là aussi, c’est une info qui a beaucoup circulé à l’extrême droite.

Flibustier n’est pourtant « apparemment » pas d’extrême droite (même s’il n’a aucun problème à plaisanter sur la duplicité des Juifs et leur goût pour l’argent). Il est plutôt confusionniste. Ce qui compte, c’est l’effet buzzant de ses articles. Et la séduction des masses. Depuis des années, il harangue ses troupes tels un Hanouna de la fake news. Il les invite à défendre avec lui le « vrai journalisme » contre SudPresse en particulier, derrière la bannière de la lutte pour la « démocratie ». Il se victimise aussi régulièrement, ce qui permet de prétendre à une certaine forme de martyre : la RTBF l’aurait viré méchamment, Facebook l’aurait dans le collimateur, ses procès avec SudPresse lui auraient coûté très cher (ce qui serait étonnant, sachant qu’il les a gagnés…), et maintenant, c’est l’Élysée, Facebook, Libé qui auraient ourdi un complot contre lui. 

Martyr et leader d’opinion, il affirme que lui seul lutte contre les fake news tout en les produisant en série (!), et explique que s’il alimente des pages Facebook d’extrême droite avec des infos qui les séduisent (sur l’interdiction du jambon pour plaire aux musulmans, par exemple), c’est pour leur démontrer qu’ils sont bêtes (!). Il s’est ainsi créé un fan-club de supporters de tout bord prêts à le suivre dans n’importe quel délire au service de sa vision bizarre de la « démocratie ». 

Aujourd’hui, sur Facebook, quand on demande à ces fanzouzes s’ils préfèrent croire Nordpresse ou Libération, ils répondent sans hésiter : « Nordpresse ». Mais il a mis le turbo. Avec ce nouveau complot, il a aussi séduit tout ce que la France compte d’anti-Macron, chez les Insoumis comme à l’extrême droite (Florian Philippot, par exemple, a défendu notre candidat écolo à Bruxelles-ville… on plane vraiment haut, là !)

Le complot 2.0

Contrairement aux complotistes standard, Flibustier a aussi la culture du buzz. Il sait comment faire réagir des masses de gens. Il sait comment se faire remarquer et finir dans le journal. Le Soir et La Libre ont rapidement reproduit sa prétention à une « censure » par Facebook (alors que sa page et son profil n’ont absolument pas été fermés). En France, il a eu droit à des articles dans Le Monde, Marianne, Libé, Arrêt sur Images, L’Express, Le Figaro, etc. Excusez du peu. Et là, on découvre la différence entre la presse français et la belge : lorsqu’il est apparu qu’il s’agissait plus probablement d’un bug que d’une censure de « l’Élysée », tous ces médias ont trouvé indispensable d’examiner le cas Nordpresse de plus près, avec des articles extrêmement critiques.

C’était indispensable, du fait du retentissement colossal de l’affaire de la pseudo-censure. Mais aussi parce que, dès le début, Flibustier est allé très loin dans la théorie du complot :

«  Ceci c’est pas une fausse info et c’est TRÈS grave […] Merci de lire ce qui suite (sic). […] On sait comme le patron de Facebook France est en lien direct avec l’Elysée après l’affaire Génération identitaire. Est-ce ça aujourd’hui la démocratie française ? […] les centaines de témoignages reçus ce matin nous terrifient. […] Pour la démocratie qui est plus que jamais en péril. Et si les grands médias taisent la censure qui nous est encore une fois appliquée, on saura ce qu’il en est de leur complicité. […] Merci de partager. L’heure est grave. »

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais d’emblée, Nordpresse attaque les « grands médias », et surtout il joue sur les peurs (« très grave », « terrifie », « démocratie en péril », « l’heure est grave ».) C’est ce que font les extrêmes. Ici, il s’agit donc d’un Ecolo officiel.

Depuis lundi, donc, Nordpresse a toutes les caractéristiques d’un média complotiste. Sur la toile, de nombreux « croyants » de Nordpresse, parfois intellectuellement doués, reprennent telles quelles les affirmations et faux arguments de leur gourou Vincent Flibustier, entre vérité fabriquée, paranoïa assumée et informations erronées. 

Et là, c’est un gourou qui prêche dans nos écoles. Un gourou qui a sa place sur les listes du parti autrefois le plus clean du pays. Apparemment, un complotiste égotique, paranoïaque, ambigu au point de reprendre des théories d’extrême droite, ne pose pas le moindre problème à Ecolo. À moins que ce soit leur gêne qui fait qu’ils ne répondent à aucun tweet à son sujet ? Ou alors, ils se disent que tant que les médias généralistes n’en parlent pas, tout va bien. On attend donc Le Soir, La Libre, L’Avenir, la RTBF ou RTL-TVI (qui lui a donné la parole dans le JT, lui permettant de semer ses théories) au tournant.

Le tout permis de Vincent Flibustier a assez duré.

 

NB : Ce texte a été publié le 24 juillet 2018 sur le blog de Marcel Sel sous le titre « Nordpresse : un complotiste chez Ecolo et dans l’école de vos enfants ».

La Terre est plate… comme un ballon de basket

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Inspiré par un partisan de la théorie de la Terre plate, Jeff, un ingénieur de 36 ans, s’est livré à une intéressante expérience. A l’aide d’un ballon de basket, d’une lampe de bureau et d’un appareil photo Nikon P900 doté d’un objectif macro, il a tenté de montrer pourquoi les minuscules créatures que nous sommes à la surface de la Terre voyons l’horizon désespérément plat. Réponse : parce que notre petitesse nous empêche de voir à l’œil nu la courbure de la Terre. Jeff a publié le résultat de son expérience le 11 juin dernier, sur le site d’hébergement d’images en ligne Imgur : une image recadrée d’environ 2,75 mm de large qui, toutes choses égales par ailleurs, équivaut à celle que l’on aurait de l’horizon terrestre en embrassant du regard une ligne de 147 km. L’histoire ne dit pas, hélas, ce qu’en pense le basketteur Kyrie Irving.

MH17 : 4 ans après, les ravages de la théorie du complot en Russie

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Quatre ans après le crash du MH17, le Moscow Times, a interrogé sept personnes choisies au hasard, à Moscou. Leurs réponses sont la meilleure illustration de la toxicité de la désinformation complotiste et de sa capacité à semer la confusion entre fiction et réalité.

Le 17 juillet 2014, le vol 17 de la Malaysia Airlines (MH17), qui survole le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, s’écrase, faisant un total de 298 morts, dont 80 enfants. Dans les minutes qui suivent, le colonel séparatiste Igor Strelkov, un ancien officier des services russes, se vante sur les réseaux sociaux d’avoir touché un avion militaire ennemi, visiblement persuadé d’avoir abattu un Antonov de l’armée de l’air ukrainienne.

Le lendemain, c’est jour de deuil national aux Pays-Bas : plus des deux tiers des victimes du crash étaient Néerlandais.

Employée de la chaîne d’Etat russe RT, Sara Firth annonce sa démission, ulcérée par les méthodes de sa rédaction qui s’empresse, au mépris des faits, de diffuser de prétendus « témoignages » accusant le gouvernement ukrainien. « Dès l’instant où […] il est apparu clairement qu’un avion de ligne s’était écrasé dans la zone des combats en Ukraine, la machine de propagande russe s’est mise en marche pour allumer des contre-feux » résumera Le Monde.

Le 13 octobre 2015, le Bureau d’enquête néerlandais pour la sécurité, qui avait été chargé de l’enquête, publie son rapport final. Ses conclusions sont sans appel : le MH17 a été abattu par un missile sol-air Buk de fabrication russe, tiré depuis la zone des combats entre séparatistes pro-russes et forces ukrainiennes. Les conclusions de l’enquête internationale publiées le 24 mai dernier établissent, en outre, que le missile provenait d’une brigade antiaérienne de l’armée russe et a été tiré depuis une zone située en Ukraine mais contrôlée par les séparatistes pro-russes.

Pendant toutes ces années, Moscou n’a cessé de récuser toute responsabilité dans l’affaire et d’essayer de convaincre son opinion publique que les Occidentaux cherchaient à faire porter le chapeau à la Russie, diffusant toutes sortes de théories du complot sur le sujet.

Quatre ans après le crash du MH17, le Moscow Times, un journal anglophone diffusé en Russie, s’est rendu devant l’ambassade des Pays-Bas à Moscou pour y interroger sept personnes choisies au hasard, dans la rue. Leurs réponses sont la meilleure illustration de la toxicité de la désinformation complotiste et de sa capacité à semer la confusion entre fiction et réalité :

Sergei Tiushevsky, 60 ans, chef d’entreprise :

« Je pense que la Russie n’a rien à voir avec ça. A 100%, ma main à couper. Parce qu’on n’en avait pas besoin. Quel intérêt la Russie aurait eu à abattre un avion civil, c’est impossible. Il n’y a pas la moindre logique à ça ».

Larisa Gerasimova, 58 ans, docteur :

« On n’a pas de vraie information. On entend des opinons différentes mais aucune source d’information n’est exacte. Peut-être qu’on croirait la communauté internationale si elle avait une meilleure attitude à l’égard de la Russie ».

Dmitry Maltsev, 28 ans, acteur :

« Je ne sais pas. Ces trucs politiques, je sais pas, honnêtement j’ai jamais cherché. Je sais juste qu’une tragédie a eu lieu il y a 4 ans aux Pays-Bas et je suis désolé pour les victimes ».

Olga Samsonova, 47 ans, travaillant dans les ressources humaines :

« C’est une question très délicate, mais je ne pense pas que la Russie soit impliquée. Si la Russie était coupable, quel aurait été le but en envoyant ce missile sur cet avion ? (…) ».

Maria Popova, 37ans, avocate :

« D’après ce que j’ai compris, l’avion a été frappé par un missile Buk. Mais la Russie dit qu’elle a cessé d’utiliser ce type de missiles il y a plusieurs années déjà (…). Je ne me suis pas fait d’opinion parce que je pense qu’il y a beaucoup de désinformation. Je pense qu’après l’affaire Skripal, chacun a une opinion très tranchée et très émotionnelle ».

Anna Pochukanets, 38 ans, travaillant dans la finance :

« Je ne sais pas vraiment. L’impression que j’ai, c’est que les pays en désaccord avec notre politique extérieure essaient de décrédibiliser la Russie. J’ai mon idée de qui a lancé le missile et je la garderai pour moi, mais ce n’est certainement pas nous ».

Yulia Rusak, 33ans, guide touristique :

« D’après nos médias, nous n’étions pas impliqués, d’après le reste du monde c’était nous. Donc, c’est très difficile à dire. Je pense que sans preuve tangible, on ne peut condamner personne (…) ».

En somme, sur sept passants interrogés, aucun n’est convaincu de la responsabilité russe dans le crash du MH17. La majorité n’a pas vraiment d’opinion sur le sujet tandis que trois assurent que le gouvernement de leur pays est innocent. Et lorsque la question de la désinformation est évoquée, c’est pour mettre en doute les informations venant de l’étranger. En multipliant les versions possibles d’un même événement, y compris et surtout les plus douteuses, les médias russes ont rendu inaudibles les conclusions des enquêtes les plus sérieuses.

Emmanuel Macron, l’affaire Benalla et la thèse du coup monté

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L’hypothèse du « coup monté » est moins absurde que d’autres. Elle n’en demeure pas moins fragile.

Emmanuel Macron en conférence de presse à Madrid (26/07/2018 ; capture d’écran BFMTV)

« Il faut bien que je les suive, puisque que je suis leur chef » : Emmanuel Macron a-t-il fait sienne cette phrase – apparemment apocryphe – de Ledru-Rollin ? C’est ce que l’on pourrait croire à entendre les accents complotistes auxquels le président de la République a eu recours mercredi soir concernant l’affaire Benalla. Emboîtant le pas à un certain nombre de ses sympathisants sur les réseaux sociaux ainsi qu’à l’avocat de son ancien collaborateur, le chef de l’Etat a déclaré à un journaliste de France Bleu Béarn :

« La question que vous pouvez vous poser, c’est pourquoi certains l’ont sorti deux mois et demi plus tard ; ah ça, vous pouvez vous poser la question ! C’est sans doute qu’il y a des gens qui avaient intérêt à ce que ça sorte deux mois et demi plus tard et quelques jours après la Coupe du monde de football. Mais l’Elysée n’a jamais rien caché ».

Interrogé hier soir, lors d’une conférence de presse à Madrid, sur l’identité de ces « gens » qu’il s’est abstenu de nommer la veille, Emmanuel Macron a éludé :

« Je ne sais pas mais vous allez peut-être me le dire. […] C’est vous les journalistes ; moi je suis président de la République. Donc je suis occupé à ma tâche. Comme je l’ai dit, tout ça est quand même beaucoup une tempête dans un verre d’eau ».

L’affaire Benalla, un coup monté contre l’Elysée ? La vieille question de Cicéron (à qui cela profite-t-il ?) n’est pas illégitime. Sauf lorsque, absolutisée, érigée en clé d’explication d’un raisonnement bancal, elle ne sert qu’à masquer la vacuité d’un dossier d’accusation. Elle ne fait alors rien d’autre que de vérifier, comme le sait la sagesse populaire, qu’en politique, « la meilleure défense, c’est l’attaque ».

Certes, l’hypothèse du « coup monté » est moins absurde que d’autres : les paranoïaques ont des ennemis et Emmanuel Macron des opposants n’ayant aucun scrupule à donner à l’affaire Benalla les apparences d’une crise de régime.

Elle n’en demeure pas moins fragile.

Dans une interview à France Culture publiée hier, Ariane Chemin, la grand reporter du Monde par qui l’affaire a été déclenchée, insiste sur les mille précautions dont elle s’est entourée avant de publier son papier, assurant que personne n’est venu lui « apporter l’information toute cuite sur un plateau » comme le suggérerait la thèse d’un coup monté depuis deux mois et demi : « C’était une enquête assez longue et je savais très bien qu’il fallait que je sois extrêmement prudente et discrète. Je ne voulais appeler Alexandre Benalla puis la présidence de la République qu’à la fin de l’enquête, quand j’étais quasiment sûre que c’était lui » explique-t-elle.

Visiblement, Emmanuel Macron est tenté de croire que le surgissement de l’affaire Benalla est le fruit d’une de ces manipulations dont la vie politique abonde. C’est son droit. C’est le nôtre d’estimer que, ce faisant, il passe là une ligne qu’il s’était bien gardé de franchir jusqu’alors, observant un comportement qui contrastait avec ceux de ses principaux challengers lors de la dernière élection présidentielle.

Il arrive que des organes de presse non complotistes se fassent l’écho de théories du complot – les exemples sont légions. Il arrive aussi que des intellectuels, des responsables politiques et même des chefs de l’Etat habituellement peu portés sur le style paranoïaque mobilisent le temps d’une interview, d’un discours, d’un meeting, d’un scrutin ou d’une « affaire », l’imaginaire conspirationniste. Dans notre histoire récente, c’est François Hollande suggérant, lors de son discours du Bourget (2 janvier 2012), que son véritable adversaire, le « monde de la finance », n’a ni nom ni visage ni parti, mais que « pourtant il gouverne », comme si la démocratie n’était qu’un vaste théâtre d’ombres. C’est Nicolas Sarkozy réduisant l’ensemble de ses tracas judiciaires à une simple manipulation politique de la justice.

Procédant plus du réflexe d’auto-défense que d’une vision paranoïaque du monde, ce conspirationnisme de basse intensité est courant dans la vie publique. Le plus souvent, il ne prouve qu’une seule chose : qu’on est à court d’argument. Dépourvu de tout caractère raciste et n’étant pas de nature à changer ceux qui s’en font ponctuellement les porte-voix en fanatiques de la théorie du complot, ce péché véniel inspire une relative clémence (« c’est de bonne guerre ! »).

On l’excuserait s’il n’avait pour effet de banaliser un complotisme autrement plus préoccupant et – peut-être plus grave encore – de contribuer à brouiller ce qui sépare les démocrates des démagogues populistes.

Nordpresse, Facebook, l’Elysée… : l’essentiel de la semaine

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Des gros titres aux petites infos passées inaperçues : ce qu’il fallait retenir de l’actualité des derniers jours en matière de conspirationnisme et de négationnisme.

SIDA. Interviewée par France Culture, Martine Peeters, virologue de l’Institut français pour la Recherche et le Développement (IRD), bat en brèche le mythe selon lequel le virus du SIDA aurait été créé en laboratoire. La chercheuse rappelle qu’il a été scientifiquement établi que le virus du SIDA avait été transmis du chimpanzé à l’Homme, dans le sud du Cameroun : « Les singes sont chassés pour être consommés, le passage se fait avant la préparation de la viande. Quand on touche la rate, quand on vide les animaux, la rate est infectée par des millions de virus. Si on a des plaies ouvertes sur la main, le virus peut, de cette façon passer dans le corps humain. » (source : France culture, 21 juillet 2018).

HAINE EN LIGNE. Réagissant aux propos polémiques de Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, au sujet de son refus de procéder au retrait de contenus négationnistes, Yair Rosenberg, du magazine en ligne américain Tablet, livre dans The Atlantic, ses réflexions sur les moyens de lutter contre la prolifération de tels contenus sur les réseaux sociaux. Le journaliste préconise la mise en place d’un avertissement automatique afin de contourner la solution de la censure qui cible les effets sans toucher les causes de la haine sur Internet (source : Conspiracy Watch, 24 juillet 2018). Des parents d’une victime de 7 ans de la tuerie de Sandy Hook (Connecticut, Etats-Unis) ont saisi la direction de Facebook pour que les contenus négationnistes concernant l’événement ainsi que les menaces dont ils ont été la cible soient retirés de la plateforme. Le réseau social a mis en place un canal privilégié pour que les familles de victimes puissent communiquer avec les employés de Facebook. La présence du site Infowars, principal pourvoyeur de théories conspirationnistes sur la tuerie, n’a toutefois pas été remise en cause (source : 20Minutes.fr, 26 juillet 2018).

ALEX JONES. Évoquant le procureur spécial en charge de l’enquête sur l’ingérence russe, Robert Mueller, le directeur d’Infowars Alex Jones a déclaré : « C’est le démon, je vais le descendre ou je mourrai en essayant ». Puis, mimant un revolver avec sa main : « Essaie de faire le premier mouvement, voici ce qu’il va se passer ». Postée sur la chaîne YouTube de l’animateur conspirationniste, la vidéo a suscité de nombreuses plaintes mais aucunement son retrait ni de commentaires de la part de la direction de la plateforme (source : Slate, 25 juillet 2018).

TERRE PLATE. Inspiré par un partisan de la théorie de la Terre plate, Jeff, un ingénieur de 36 ans, s’est livré à une intéressante expérience. À l’aide d’un ballon de basket, d’une lampe de bureau et d’un appareil photo doté d’un objectif macro, il a tenté de montrer pourquoi les minuscules créatures que nous sommes à la surface de la Terre voyons l’horizon désespérément plat. Réponse : parce que notre petitesse nous empêche de voir à l’œil nu la courbure de la Terre. Les résultats ont été publiés en juin dernier sur le site d’hébergement d’images en ligne Imgur : une image recadrée d’environ 2,75 mm de large qui, toutes choses égales par ailleurs, équivaut à celle que l’on aurait de l’horizon terrestre en embrassant du regard une ligne de 147 km. Une expérience qui pourrait faire réfléchir le basketteur Kyrie Irving, qui a affirmé à plusieurs reprises que la Terre était plate.

NORDPRESSE. Le dimanche 22 juillet 2018, l’administrateur du site parodique belge Nordpresse.be a tiré l’alarme : la censure de Facebook se serait abattu sur son site, sur les contenus humoristiques autour de l’affaire Benalla. L’accusation de censure politique a rapidement été diffusée alors que Facebook invoquait des problèmes techniques et agissait pour y remédier. Une occasion pour les Décodeurs du journal Le Monde de se pencher sur les pratiques douteuses d’un site habitué à brouiller la ligne entre la satire et la tromperie, jusqu’à utiliser des adresses ressemblant à celles de vrais sites d’informations pour relayer ses « fake news trash » (source : Les Décodeurs, 23 juillet 2018). Le site de vérification des informations de Libération s’est également penché sur le sujet, démontant les accusations infondées de Nordpresse (source : Checknews.fr, 24 juillet 2018). Ces deux mises au point ont eu l’art de crisper Vincent Flibustier, directeur du site belge, qui a choisi de se réfugier dans les explications complotistes les plus décomplexées. Une dérive efficacement analysée par le blogueur Marcel Sel (source : Un blog de sel, 26 juillet 2018).

HITLER. L’Histoire des 3 Adolf vient de ressortir aux éditions Delcourt-Tonkam. Il s’agit d’un thriller brillant, de près de 1200 pages, écrit et dessiné par le « Dieu des mangas », Osamu Tezuka. Admirablement documentée, l’œuvre souffre toutefois d’un travers remarquable : elle repose sur le mythe des origines juives d’Hitler, inventé par le gouverneur nazi de Pologne Hans Frank et démonté cinquante ans plus tard par l’historien Ian Kershaw. Didier Pasamonik, qui cosigne avec Kosï Ono l’introduction critique de cette réédition, revient sur cette fable tenace (source : Conspiracy Watch, 24 juillet 2018).

IKER CASILLAS. Le joueur de foot espagnol Iker Casillas ne croit pas que l’homme a marché sur la Lune en 1969. Sur Twitter, l’ancien gardien de but du Real Madrid a consulté ses followers au sujet la véracité de l’événement, terminant son tweet par les mots suivants : « Y croyez-vous ? Moi, non ! » (source : sports.fr (Europe 1), 26 juillet 2018). Il a ainsi exprimé des doutes qui sont ceux de 16% des Français, comme l’avait révélé l’enquête de l’IFOP pour Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès en janvier 2018.

MH17. Quatre ans après le crash du MH17 abattu au-dessus de l’Ukraine le 17 juillet 2014 et ayant causé la mort de 298 personnes, le Moscow Times a interrogé sept personnes choisies au hasard devant l’ambassade des Pays-Bas à Moscou. Leurs avis sur les responsabilités dans cette affaire sont la meilleure illustration de la toxicité de la désinformation complotiste et de sa capacité à semer la confusion entre fiction et réalité. Les médias russes ont, en effet, multiplié depuis quatre ans les versions les plus douteuses de l’attentat, contribuant à rendre inaudibles les conclusions des enquêtes les plus sérieuses (source : Conspiracy Watch, 27 juillet 2018).

AFFAIRE BENALLA. L’avocat d’Alexandre Benalla, Me Laurent-Franck Liénard, a défendu l’idée d’un scandale d’État et d’une affaire d’État montés de toutes pièces pour « casser un effet Coupe du monde » (source : Conspiracy Watch, 25 juillet 2018). Dans une première synthèse sur les théories du complot suscitées par cette affaire, Conspiracy Watch avait déjà pointé la version selon laquelle les images de Benalla, filmées le 1er mai dernier, auraient été diffusées au moment opportun pour priver le Président de la République d’un état de grâce post-Coupe du monde. Emmanuel Macron a lui même repris à son compte l’hypothèse d’un « coup monté » depuis deux mois et demi contre l’Élysée, version contredite par les explications d’Ariane Chemin, grand reporter au Monde, par qui l’affaire a été déclenchée (source : Conspiracy Watch, 27 juillet 2018).


Quand Jeremy Corbyn voyait la main d’Israël derrière un attentat djihadiste

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Des propos conspirationnistes de Jeremy Corbyn datés de 2012 et passés inaperçus à l’époque refont surface.

Jeremy Corbyn sur PressTV (“Remember Palestine”, 12 août 2012)

Alors que la polémique sur la tolérance du Labour à l’égard de l’antisémitisme continue de faire rage au Royaume-Uni, le Guardian est revenu, samedi, sur une séquence oubliée de la carrière de Jeremy Corbyn. Le 12 août 2012, le futur leader du Parti travailliste britannique était l’invité de l’émission « Remember Palestine », diffusée sur la télévision d’Etat iranienne PressTV.

Commentant l’attaque djihadiste perpétrée une semaine plus tôt contre un poste-frontière égyptien dans le Sinaï, Corbyn l’attribua à… Israël :

« Je suis très préoccupé par cela et il faut regarder la situation dans son ensemble : dans l’intérêt de qui chercherait-on à déstabiliser le nouveau gouvernement [dirigé alors par les Frères musulmans – ndlr] en Egypte ? Dans quel intérêt a-t-on tué des Egyptiens, à part celui d’Israël, dont on sait qu’il est préoccupé par le rapprochement croissant entre la Palestine et le nouveau gouvernement égyptien ? »

La présentatrice de PressTV, Lauren Booth, demanda à Corbyn si un musulman irait ouvrir le feu contre son frère égyptien. A quoi Corbyn répondit : « Ça semble peu probable que cela se produise pendant le Ramadan, c’est le moins qu’on puisse dire, et je suspecte la main d’Israël dans tout ce processus de déstabilisation ».

L’attaque évoquée par Jeremy Corbyn a eu lieu le 5 août 2012, durant la rupture du jeûne de Ramadan : les 35 membres du commando djihadiste, déguisés en bédouins et armés de fusils et de lance-roquettes, avaient ouvert le feu sur des policiers égyptiens, faisant 16 morts et 7 blessés. Les assaillants s’étaient emparés de deux véhicules blindés avant de pénétrer en territoire israélien où ils avaient été neutralisés par l’armée israélienne. En représailles, l’Egypte avait fermé le terminal de Rafah (point de passage avec Gaza) et effectué, trois jours plus tard, des frappes aériennes contre des activistes islamistes dans le nord-Sinaï, faisant une vingtaine de morts.

L’organisation islamiste égyptienne des Frères musulmans avait publié sur son site internet un communiqué affirmant que l’attaque pouvait selon elle « être attribuée au Mossad ».

Selon un élu local du Labour, les Juifs « boivent le sang des bébés »

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Damien Enticott, un élu local travailliste de Bognor Regis, dans l’Ouest de l’Angleterre, a été suspendu de son parti après avoir partagé sur Facebook le 27 juillet dernier un post violemment antisémite. Faisant écho aux immémoriales accusations antijuives de crimes rituels tout en jouant sur l’allusion au rite de la circoncision, le texte est formulé en lettres capitales, pour en accentuer la véhémence, et dans des termes particulièrement vulgaires : « Rituel juif : ils boivent le sang et sucent [le sexe] des bébés ». Il est accompagnée du commentaire suivant d’Enticott :

« Il n’y a que les Juifs du Talmud qui font ça. Les Juifs du Talmud sont des parasites ! Ils croient aussi que tous les enfants de plus de 3 ans qui ne sont pas Juifs doivent être traités comme des parasites, ils croient qu’on peut même violer cet enfant parce qu’il est sans valeur. Traiter un non-Juif avec décence signifie que vous êtes aussi mauvais qu’eux. Tous ceux du Talmud doivent être exécutés ! ».

Après avoir supprimé sa publication, Damien Enticott a nié en être l’auteur, expliquant qu’il vit en colocation, que son ordinateur n’a pas de mot de passe et qu’il n’est pas antisémite, ayant lui-même des amis juifs. Une justification qui pourrait convaincre si le conseiller municipal travailliste n’avait pas déjà publié sur les réseaux sociaux plusieurs autres messages du même tonneau au cours des dernières années. En mars 2017, il avait notamment écrit, commentant un post issu de Russia Today, que « Hitler aurait une solution au problème Israël ».

Le mythe du « complot judéo-maçonnique »

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Depuis sa naissance il y a 300 ans, la franc-maçonnerie n’a cessé d’être accusée de comploter. Sa « légende noire » réapparaît aujourd’hui. Longtemps dénoncés comme diaboliques, attaqués par l’extrême droite antisémite et persécutés par les régimes autoritaires, les francs-maçons (140 000 en France aujourd’hui) sont en réalité fractionnés en une multitude d’associations. Le fait est que, partout où la franc maçonnerie est suspectée, les libertés sont en danger.

Labour : une élue suspecte des journaux juifs d’être soutenus par le Mossad

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Réagissant à l’initiative de trois journaux juifs britanniques qui ont tous publié mercredi dernier un même éditorial alertant sur la « menace existentielle » que représenterait l’arrivée au pouvoir de Jeremy Corbyn, Mary Bain Lockhart, une élue du Parti travailliste en Écosse, a suggéré jeudi 26 juillet 2018 sur Facebook, qu’ils pouvaient être liés aux services secrets israéliens :

« Si c’est une campagne soutenue par le Mossad pour empêcher l’élection d’un gouvernement travailliste qui s’est engagé à reconnaître la Palestine comme Etat, c’est une ingérence inacceptable dans la démocratie britannique ».

Des déclarations jugées « idiotes, repoussantes et scandaleuses » par le député conservateur écossais Paul Masterton pour qui elles « démontrent précisément pourquoi la communauté juive a tellement perdu foi dans le Labour ». Mary Bain Lockhart a depuis été suspendue du Labour à titre conservatoire (source : Politics Home, 30 juillet 2018).

Olivier Boucher (CNRS) : « Les chemtrails sont une vue de l’esprit »

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Olivier Boucher, directeur de recherche au Laboratoire de Météorologie dynamique du CNRS, explique pour France Culture pourquoi la croyance dans les chemtrails est infondée (source : « Les idées claires », 28 juillet 2018).

Une année d’antisémitisme sur Twitter : une étude inédite de l’ADL

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L’Anti-Defamation League a récemment publié les résultats d’une étude inédite sur la manière dont l’antisémitisme s’exprime sur la plateforme de microblogging Twitter. Elle confirme la centralité de l’imaginaire conspirationniste dans l’hostilité visant les Juifs.

Début mai 2018, l’Anti-Defamation League (ADL), une organisation non-gouvernementale américaine de lutte contre l’antisémitisme, a publié les résultats d’une étude inédite. L’ADL a cherché à évaluer le poids de l’antisémitisme sur le réseau social Twitter, estimant à près de 4,2 millions le nombre de tweets antisémites, en langue anglaise, postés par trois millions de comptes entre le 29 janvier 2017 et le 28 janvier 2018. L’analyse a porté plus spécifiquement sur un échantillon de 55.000 tweets. L’objectif était d’affiner les réponses à apporter à la haine en ligne. Au regard de la menace qu’elle constitue pour la liberté d’expression, il y a là un enjeu d’ampleur.

Cadre et méthodologie de l’étude

Les chercheurs de l’ADL ont identifié les expressions caractéristiques de la haine anti-juive. Ont été pris en compte les stéréotypes classiques (la cupidité, le contrôle des médias, le peuple déicide…), les références favorables à des auteurs, des livres, des articles ou des vidéos antisémites, le négationnisme, le complotisme, les injures, les mots codés et les symboles tels que les triples parenthèses (utilisées pour stigmatiser les Juifs). Des techniques d’échantillonnage ont permis d’écarter, dans les statistiques, les tweets qui s’emparaient du champ lexical et des codes de l’antisémitisme pour le dénoncer.

Les attaques contre Israël et le sionisme ont été incluse lorsqu’il s’agissait d’antisémitisme ou de complotisme, et laissées de côté lorsqu’elles relevaient de critiques générales au sujet de cet État ou de sa politique.

Les tweets analysés ayant été capturés en janvier 2018, l’étude n’a pu prendre en compte un grand nombre de messages antisémites effacés par leurs auteurs ou par Twitter, pour violation des termes et des conditions d’utilisation. L’enquête étant par ailleurs basée sur des contenus textuels, de nombreux tweets d’images sans texte n’ont pu être inclus. En revanche, les données ont été analysées avant la « purge », effectuée par Twitter, consistant à supprimer les comptes robots qui avaient probablement contribué à diffuser des contenus antisémites.

Près de 4,2 millions de tweets antisémites en un an représente une moyenne hebdomadaire de 81.400 tweets (avec une marge d’erreur de 3%). La semaine la plus basse fut celle du 23 au 29 juillet 2017 (36.800) ; la plus haute, celle du 3 au 9 décembre 2017 (181.700 tweets). Près de 1.000 tweets hebdomadaires – 55.000 en tout – ont été prélevés au hasard pour être analysés.

L’étude fait apparaître une tendance globale à la hausse au cours de la période sans toutefois être en mesure d’en expliquer les raisons. L’actualité a une incidence évidente sur les tweets, mais la méthodologie de l’ADL n’a pas permis de suivre le détail de l’évolution des contenus.

L’impact de l’actualité est toutefois certain comme le montrent les événements de Charlottesville (Virginie) où se déroula les 11 et 12 août 2017 la manifestation « Unite the Right ». Aux heurts entre manifestants et contre-manifestants s’ajouta une attaque à la voiture-bélier, conduite par un suprématiste blanc, qui causa la mort d’une militante antiraciste et fit 19 blessés. La semaine qui suivit occupe la treizième place sur l’année pour le volume de tweets antisémites.

La semaine du 3 au 9 décembre 2017 est quant à elle celle où le plus grand nombre de tweets antisémites ont été postés, en lien avec la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël et de sa volonté d’y transférer l’ambassade américaine.

Par ailleurs, les contenus sont à mettre en lien avec une activité du même type sur les autres médias. Un nombre significatif de tweets correspond à des partages de contenus issus de Youtube, Reddit, 4Chan ou de sites complotistes. L’étude n’a toutefois pas cherché à évaluer précisément l’articulation entre Twitter et ces médias.

Au regard de ces limites méthodologiques, le choix a été fait d’une approche « impressionniste », qualitative, basée sur les récurrences thématiques observables dans ce matériau, présentées dans les lignes qui suivent.

Harvey Weinstein

Les premières révélations au sujet des agressions sexuelles de Harvey Weinstein, parues dans le New York Times le 5 octobre 2017, sont immédiatement suivies de commentaires antisémites. Des références sont faites au contrôle de Hollywood par les Juifs, à la dégénérescence et à la perversion attribuées à ces derniers. Des messages précisent quels agresseurs sexuels sont juifs. Le code « KhazarMafia » est aussi utilisé pour désigner implicitement les Juifs : il fait référence à une thèse selon laquelle de nombreux Juifs descendraient des Khazars, un peuple turc qui se serait converti au judaïsme au VIIIème siècle après Jésus-Christ, et travailleraient à saper l’ordre social des sociétés non juives.

Les Rothschild

Cette théorie confère à la famille Rothschild des fins d’enrichissement personnel et de domination mondiale. Récurrente sur Twitter, elle est liée à la thèse du « Nouvel Ordre Mondial », qui viserait à détruire les nations et à asservir l’humanité. Une théorie du complot récente rend les Rothschild responsables de la catastrophe aérienne du vol 370 de la Malaysia Airlines du 8 mars 2014 : la disparition d’une vingtaine de membres d’une entreprise technologique américaine présents à bord aurait prétendument permis à Jacob Rothschild de devenir le propriétaire d’un brevet de semi-conducteurs, une fausse information largement diffusée sur les sites conspirationnistes.

D’après une autre théorie, la famille Rothschild verrait dans Poutine et l’Iran les principaux obstacles au « Nouvel Ordre Mondial ». Une subvention aurait été attribué au McCain Institute for International Leadership (Université d’État de l’Arizona), pour acheter le soutien du sénateur John McCain dans l’enquête « Russiagate » et pour soutenir l’Arabie Saoudite contre l’Iran. Les arrestations opérées par les autorités saoudiennes en novembre 2017 auraient eu pour but d’entraver les activités prêtées aux Rothschild.

Quand antisionisme rime avec antisémitisme

Couramment, les tweets antisémites substituent le terme « sioniste » à celui de « juif ». Il arrive que cette substitution soit explicitement antisémite. Dans d’autres cas, le terme « sioniste » est introduit dans un message qui reprend les mots ou les thèmes traditionnels de l’antisémitisme.

D’autres tweets établissent un lien consubstantiel entre le sionisme et le nazisme. Les chercheurs de l’ADL ont écarté les cas où les politiques et pratiques israéliennes étaient comparées à celles des nazis pour ne conserver que ceux faisant du sionisme un mouvement raciste ou ayant des caractéristiques nazies.

QAnon

Un des phénomènes les plus remarquables sur les réseaux sociaux au cours de l’année 2017 a été le développement du complotisme autour du phénomène « QAnon ». En octobre 2017, un utilisateur apparaissant sous la lettre « Q » a commencé à poster des questions énigmatiques sur Twitter, amenant à remettre en cause les discours officiels. Elles ont bientôt été tenues pour des prédictions émanant d’un haut fonctionnaire anonyme ayant accès à des informations classées « secret défense ». Sur Twitter, plus de 3,3 millions de posts contenant le terme QAnon (« Q » pour questions et « Anon », pour anonyme) ont été publiés entre octobre 2017 et janvier 2018. La grande majorité des théories du complot inspirées par QAnon ne sont pas antisémites. Cependant, un petit pourcentage de tweets se réfère à Israël, aux Juifs, aux sionistes, aux Rothschild ou à George Soros. Ce potentiel antisémite a pu être vérifié à l’occasion d’une collision aérienne survenue le 17 novembre 2017 entre un avion de tourisme et un hélicoptère. L’accident, qui a fait quatre morts, s’est produit en Angleterre, à proximité du Manoir de Waddesdon appartenant à la famille Rothschild. Un tweet de QAnon, faisant une référence voilée à la famille Rothschild, a connu un succès rétrospectif en étant interprété comme prédictif.

« Mondialistes » : une autre manière de désigner les Juifs

Un autre phénomène notable, en 2017, a consisté en l’utilisation du terme « mondialiste » (« globalist » en anglais). Le terme est utilisé péjorativement pour qualifier des personnes dont les intérêts économiques financiers font d’eux des éléments prétendument déloyaux à l’égard des pays où ils résident. Le mot prend une tonalité forcément antisémite lorsqu’il désigne des Juifs, traditionnellement associés au cosmopolitisme et à la finance « apatride ».

Le négationnisme

L’accusation selon laquelle l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est un « mensonge » est ancienne. Les Juifs seraient parvenus à influencer les gouvernements, les médias ou encore l’université pour diffuser ce « mythe » leur permettant de recueillir la sympathie des opinions publiques, d’asseoir la légitimité de l’État d’Israël, d’obtenir des réparations financières et de démoraliser l’« Europe blanche ».

En avril 2017, des négationnistes ont saisi l’affirmation erronée de Sean Spicer (alors porte-parole de la Maison Blanche) selon laquelle Hitler n’avait jamais utilisé de gaz toxiques contre ses ennemis. Bien que Spicer ait rapidement précisé qu’il ne faisait pas référence aux centres de mise à mort, les négationnistes ne se sont pas privés de reprendre cette déclaration maladroite.

« False flag »

Alors que les théories complotistes traditionnelles allèguent que les Juifs tirent des bénéfices matériels des catastrophes, la théorie du « false flag » les accuse de provoquer des tragédies et des désastres pour gagner la sympathie des opinions et orienter les décisions politiques. Ils vandaliseraient par exemple eux-mêmes les synagogues et autres institutions juives, dans le but d’attiser la peur de l’antisémitisme, de susciter la compassion à l’égard des Juifs et d’accroître leur influence.

Certains événements seraient le résultat d’une manipulation israélienne visant à affaiblir les ennemis géopolitiques d’Israël ou à promouvoir la guerre parmi les non-Juifs. Une théorie du complot affirme qu’Israël, les sionistes ou les Juifs sont à l’origine de la création de Daech.

Selon une autre thèse, les Juifs seraient responsables des fusillades de masse aux États-Unis. Leur objectif ? Gagner la faveur des politiques et obtenir le contrôle des armes à feu.

George Soros

Le milliardaire et philanthrope juif d’origine hongroise, George Soros, est souvent présenté comme un puissant soutien des causes libérales et progressistes. À l’extrême droite, cette conviction fait de Soros le manipulateur de certains événements. Elle prend une franche tonalité antisémite lorsqu’elle souligne la judéité de Soros et, ce faisant, sa volonté d’attaquer la civilisation occidentale. Cette thèse intègre des tropes antisémites classiques comme l’influence sur les gouvernements, les banques ou les médias. Soros orchestrerait aussi des « false flag ». Il a ainsi pu être désigné comme le responsable du rassemblement d’« Unite the Right » à Charlottesville.

Les recommandations de l’ADL

Dans sa conclusion, l’étude de l’ADL invite Twitter à poursuivre ses efforts pour garantir la sécurité des utilisateurs. L’ONG encourage la plateforme à donner aux chercheurs indépendants et aux membres de la société civile des facilités d’accès à ses données. Il s’agit aussi de veiller à une plus stricte application des conditions d’utilisation dans le filtrage des contenus haineux. La suspension de ces comptes doit être complétée par celle des robots. L’intelligence artificielle, quant à elle, est à même de permettre de mieux identifier les contenus litigieux. Enfin, des outils efficaces doivent être mis en place afin que les utilisateurs ne soient pas confrontés à la violence : le filtre pour les contenus sensibles de Twitter, qui ne s’applique généralement qu’aux images, devrait pouvoir être étendu à toute propagande illicite.

Dans la réponse qu’il a adressée à l’ADL sur son étude, le site de microblogging soutient qu’au cours des 16 derniers mois, il a procédé à plus de 30 modifications de son interface en indiquant notamment dans ses conditions d’utilisation une incompatibilité avec l’affiliation à des groupes extrémistes violents et en rendant les iconographies haineuses plus difficiles à trouver en les étiquetant comme sensibles et en les bannissant des photos de profil et des bannières de comptes.

La patronne de RT publie puis efface un tweet raciste

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« Comment Rastorgouïev, Djemal et Radtchenko se sont-ils retrouvés, sans papiers, “nus” au sens strict, sans couverture ni accompagnement, en Afrique centrale où la population se bouffe parfois les uns les autres, au sens propre, et pas par faim, mais pour le plaisir » : c’est le commentaire aux relents racistes que Margarita Simonian, qui cumule les fonctions de directrice de Sputnik et de Russia Today (RT), a posté sur Twitter mardi 31 juillet avant de l’effacer. A la tête de RT depuis 2005, cette proche de Vladimir Poutine s’interrogeait sur les conditions dans lesquelles les journalistes russes Alexandre Rastorgouïev, Orkhan Djemal et Kirill Radtchenko, ont récemment été tués en République centrafricaine. Les trois reporters enquêtaient sur les activités d’une société privée militaire russe, Wagner, dont les mercenaires ont combattu en Ukraine et en Syrie.


Californie : le pyromane présumé est un complotiste exalté

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Depuis le 23 juillet 2018, la Californie est ravagée par plusieurs incendies ayant causé une dizaine de victimes et l’évacuation d’urgence de plus de 20 000 personnes. Mercredi dernier, un homme de 51 ans, qui aurait effectué des séjours en hôpital psychiatrique en 1996 et en 2012, a été inculpé pour incendie de forêt, incendie volontaire avec circonstances aggravantes et destruction de propriétés habitées. Forrest Gordon Clark est accusé d’avoir déclenché volontairement un départ de feu dans le Canyon Trabuco, à proximité de son domicile, qui a détruit des milliers d’hectares de forêt. La presse américaine s’est penchée sur le profil Facebook du pyromane présumé qui témoigne de son appétence pour les théories du complot les plus excentriques : complot extra-terrestre reptilien, complot Illuminati, complots de George Soros, des Rothschild, du Nouvel Ordre Mondial, de l’Agenda 21, lutte contre de prétendus réseaux pédophiles dirigés par le Pape François, théorie de la Terre plate, complot « sioniste » pour fomenter les attentats du 11-Septembre, intérêt pour QAnon ainsi que pour les médecines alternatives, etc. Forrest Clark semble également avoir un goût pour les vidéos de prophéties autour de l’arrivée au pouvoir du Président Trump. Prophétie organisée d’un déséquilibré mental ou non, avant le gigantesque incendie, il avait envoyé un e-mail à un responsable local des pompiers indiquant qu’un jour, « l’endroit [allait] brûler ».

Conspirationnisme : le récap’ du mois d’août 2018

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Des gros titres aux petites infos passées inaperçues, Conspiracy Watch vous propose son récap’ du mois d’août 2018.

Jeremy Corbyn sur PressTV (“Remember Palestine”, 12 août 2012)

LABOUR. Des propos conspirationnistes de Jérémy Corbyn, chef du Parti travailliste, tenus en 2012, et qui étaient restés inaperçus à l’époque, ont resurgi en juillet 2018 dans le Guardian. Sur la chaîne de la télévision d’État iranienne, PressTV, Corbyn attribuait à Israël un attentat jihadiste perpétré contre un poste-frontière dans le Sinaï, en Égypte (source : Conspiracy Watch, 30 juillet 2018). Damien Enticott, Un élu travailliste de Bognor Regis (Ouest de l’Angleterre), a par ailleurs été suspendu de son parti pour avoir partagé sur Facebook, le 27 juillet, un post violemment antisémite accusant les Juifs de boire le sang des bébés. Enticott a assumé être l’auteur du post et d’autres du même type, affirmant qu’il est « antisioniste, pas antisémite » (source : Conspiracy Watch, 30 juillet 2018). Corbyn a fini par admettre l’existence d’un « réel problème d’antisémitisme » au Labour Party, dans une tribune parue dans le journal The Guardian le 4 août (source : Le Nouvel Observateur, 4 août 2018). Il va toutefois avoir du mal à « éliminer l’antisémitisme du parti et restaurer la confiance » : le 19 août, Chris Williamson, député travailliste proche de Corbyn a exprimé son soutien à Vanessa Beeley, une bloggeuse habituée des sorties antisémites et complotistes. Intervenante dans les médias russes pro-Kremlin, Beeley avait notamment déclaré, en 2015, après les attaques de Charlie Hebdo et du 13-Novembre, que « les sionistes dirigent la France » (source : The Times of Israël, 23 août 2018).

CHEMTRAILS. Olivier Boucher, directeur de recherche au Laboratoire de Météorologie dynamique du CNRS, répond pour France culture à la question « les avions diffusent-ils des produits chimiques à notre insu ? »« Les chemtrails sont une vue de l’esprit », affirme le climatologue qui passe en revue les questions et les doutes qu’inspirent les traînées blanches laissées par les avions (source : « Les idées claires », France culture, 28 juillet 2018).

TWITTER. Le 31 juillet 2018, la plateforme de microblogging a conduit une opération de nettoyage pour lutter contre les faux utilisateurs et supprimer les comptes inactifs. Un million de comptes Twitter ont ainsi été suspendus. Les erreurs de calibrage de l’opération ont pu conduire à des suspensions accidentelles et à la chute, pour certains d’entre eux, du nombre de leurs abonnés. Face aux bugs, rapidement rectifiés, de nombreux internautes, notamment supporters français des formations politiques d’opposition, ont crié à la censure et au complot (source : Francetvinfo.fr, 1er août 2018).

ANTISÉMITISME. L’Anti-Defamation League a publié au début du mois de mai 2018 les résultats d’une étude sur la manière dont l’antisémitisme s’exprime sur Twitter. Elle confirme la centralité de l’imaginaire complotiste dans l’hostilité visant les Juifs. Conspiracy Watch rend compte en détail de cette étude inédite (source : Conspiracy Watch, 3 août 2018).

NÉGATIONNISME. La justice allemande a confirmé le 3 août 2018 que le fait de nier le génocide des Juifs par les nazis ne relevait pas de la liberté d’expression. Le tribunal constitutionnel avait été saisi par Ursula Haverbeck, 89 ans, figure de proue du négationnisme allemand, condamné à plusieurs reprises pour avoir nié la réalité de la Shoah (source : L’Orient du Jour/AFP, 3 août 2018).

QANON. Lors d’un meeting de Donald Trump à Tampa (Floride, USA), le 31 juillet 2018, plusieurs membres de l’assistance portaient des T-shirts « QAnon » et des pancartes affirmant « Nous sommes Q ». QAnon est le nom de cette théorie selon laquelle un mystérieux fonctionnaire qui aurait accès à des informations classées « secret défense » («  Q » pour question, « Anon » pour anonyme) délivrerait des prédictions sous la forme de questions énigmatiques. Pour les partisans les plus fervents de Q, qui met en cause une prétendue organisation criminelle impliquant les Clinton, les Obama, les Rothschild et George Soros, Donald Trump sèmerait lui-même des indices validant leur théorie. L’influence du complotisme autour de Q inquiète, d’autant que certains adeptes se sont déjà montrés prêts à recourir à la violence (source : actu.orange.fr/AFP, 3 août 2018).

VENEZUELA. Après avoir échappé à un attentat le 4 août 2018, Nicolas Maduro a multiplié les accusations contre son homologue colombien, le président Juan Manuel Santos. Avec une énorme inflation et la crise de subsistance que connaît le pays, il est commode pour le président vénézuélien de désigner un complot ourdi contre son régime de la part d’un pays voisin avec lequel les relations diplomatiques sont profondément dégradées (source : France Inter, 6 août 2018).

ALEX JONES. Au début du mois d’août, les géants d’Internet ont lancé une offensive contre le conspirationniste Alex Jones. Le fondateur du site InfoWars a été privé d’accès à Facebook, Youtube, Apple et Spotify, plateformes par lesquelles il propage ses discours haineux, enfreignant par là même le règlement de ces hébergeurs. Alex Jones a immédiatement reçu le soutien de sites et de personnalités de l’extrême droite criant au complot. Twitter a pour sa part maintenu les comptes de Jones et d’InfoWars, estimant qu’ils ne violaient pas son règlement (source : actu.orange/AFP, 6 août 2018). Reste à savoir si ces mesures entameront l’influence de celui qui a bâti une véritable fortune grâce à son site de vente InfoWars Life « qui rapporterait selon Jones entre 45 et 50 millions de dollars par an » (source : Le Monde, 10 août 2018).

L’INFORMATRICE ZÉLÉE. Le 8 août 2018, Twitter a suspendu le compte « L’Informatrice zélée » qui sévissait depuis 7 ans et totalisait près de 35.000 abonnés. Créé anonymement et affichant une photo de profil usurpée, ce compte s’est présenté successivement comme celui d’une « journaliste », « professeur de philosophie et de théologie comparée », « femme rabbin dans la vie privée », mariée, mère de deux enfants, se prénommant « Esther » et « d’origine séfarade » : des allégations évidemment invérifiables mais destinées à brouiller les pistes compte tenu du caractère antisémite, complotiste, négationniste et homophobe des posts qu’il diffusait (source : Conspiracy Watch, 9 août 2018).

ETATS-UNIS. Promoteur de théories du complot antisémite dans une émission de radio dont il est l’animateur, Steve West a remporté haut la main les primaires du Parti républicain à la Chambre des Représentants pour le siège du comté de Clay (Missouri). « Hitler avait raison », a notamment déclaré Steve West à la radio KCXL en janvier 2017. Celui qui fera face au démocrate sortant John Carpenter en novembre prochain est également l’auteur de propos homophobes et racistes (source : JTA, 10 août 2018). Steve West est le troisième candidat de ce genre après Arthur Jones et John Fizgerald (source : Conspiracy Watch, 9 juillet 2018).

« ANCIEN MONDE ». Le 3 août 2018, le « documentaire » « Bâtisseurs de l’ancien monde » a été diffusé public à la Corroirie du Liget (Indre). La thèse du film repose sur l’idée qu’une civilisation humaine avancée a précédé la nôtre. Le réalisateur, Patrice Pouillard, récuse l’étiquette de complotiste alors même qu’il met en cause l’origine des grandes réalisations de l’humanité (Pyramides d’Égypte, statues de l’Îles de Pâques…) et conteste les travaux scientifiques qu’elles ont suscités, sans apporter le moindre début de preuve (source : La Nouvelle République, 17 août 2018).

WORDPRESS. La principale plateforme d’hébergement de sites web, WordPress, a changé ses règles et interdit désormais les sites promouvant certaines théories du complot. Automattic, la société qui gère WordPress a interdit la « publication nuisible et non autorisée d’images identifiables de mineurs », en référence à l’utilisation par certains sites complotistes de photographies d’enfants tués à l’école Sandy Hook de Newtown (2012). L’entreprise en a profité pour supprimer plusieurs blogs conspirationnistes (source : Le Monde, 17 août 2018).

MALAISIE. Premier ministre de Malaisie, Mohamad Mahatir a récemment déclaré que « l’antisémitisme est un terme artificiel créé pour faire taire toutes critiques des Juifs » (source : Jerusalem Post, 16 août 2018). La déclaration ne surprend pas venant d’un homme qui pense que « les Juifs gouvernent le monde par procuration » et qui avait fait distribuer, en 2003, des exemplaires du Juif international de Henry Ford (source : Conspiracy Watch, 30 octobre 2005). Rappelons également que Mohamad Mahatir avait déclaré, en 2010, que les attentats du 11-Septembre avaient été mis en scène pour permettre l’attaque du monde musulman et que le président Obama était soumis au « lobby juif » (source : Conspiracy Watch, 21 janvier 2010).

VIADUC DE GÊNES. Le complotiste Laurent Glauzy a affirmé voir dans l’effondrement du viaduc de Gênes, le 14 août 2018, un avertissement des franc-maçons au nouveau gouvernement italien. La preuve serait apportée par la « numérologie maçonnico-satanique » et un délirant calcul construit à partir du nombre de victimes et du « 66, marque de satan »« Bien entendu, les enquêtes à venir diront n’importe quoi pour endormir un peuple “décérébré” », avertit Glauzy. Nous voici donc prévenus (source : Conspiracy Watch, 18 août 2018).

FREE TARIQ RAMADAN. L’islamologue est incarcéré depuis sa mise en examen le 2 février 2018 pour le viol présumé de deux femmes. Ses soutiens se réunissent régulièrement pour réclamer sa libération. Lors du dernier de ces rassemblements le samedi 11 août devant la prison de Fresnes, on a pu assister à la dénonciation publique de ces « femmes » qui cherchent « la gloire et l’argent », et qui se déshonorent et s’humilient « devant le CRIF, devant les sionistes qui commandent cette France » (sic). « Pour moi, poursuit une militante pro-Tariq Ramadan, il n’y a pas de justice dans ce pays pour les musulmans. C’est devenu un Etat sioniste […]. C’est un complot, un coup monté contre lui pour l’abattre parce que ça fait 20 ans qu’ils essaient de l’abattre » (source : Conspiracy Watch, 20 août 2018).

PRINTEMPS DE PRAGUE. D’après un sondage, 36% des Russes estiment que Moscou a « agi correctement » en intervenant militairement en Tchécoslovaquie dans la nuit du 20 au 21 août 1968, pour mettre fin aux réformes du Printemps de Prague il y a cinquante ans. Pour 21% des sondés, « l’action subversive » de l’Occident serait à l’origine de ce processus de réformes. Le culte du passé soviétique conforte ainsi la mémoire sélective et l’ignorance autour d’un événement au sujet duquel 45% des sondés ont eu des difficultés à répondre (source : Marianne, 21 août 2018).

« BOMBE GAY ». Les tensions actuelles entre les États-Unis et la Turquie font resurgir le fantasme de l’existence d’une arme secrète américaine, la « bombe gay », capable de changer l’orientation sexuelle de la population. Dans l’édition de Sabah, journal proche régime du président Erdogan, le 20 août 2018, un journaliste et présentateur vedette de télévision a mis en avant cette menace, affirmant s’appuyer sur des « documents récemment déclassifiés » (source : 360°, 22 août 2018).

COMPLOTOLOGIE. Pour Philippe Raynaud, professeur de science politique à l’Université d’Assas, le noyau de la vague conspirationniste est « l’insatisfaction, la frustration ou même la colère devant le cours que prennent les choses dans les démocraties. » «  L’impression que le monde […] est en train de se défaire pousse en effet certaines personnes à s’accrocher à l’idée qu’une aussi grande catastrophe ne peut pas exister s’il n’y a pas un chef d’orchestre pour l’organiser », explique celui qui, dans une interview au journal Le Monde, revient sur le « style paranoïaque » développé par certains courants conservateurs de la droite américaine (source : Le Monde, 23 août 2018).

RACISME. Fin juillet, Margarita Simonian, la patronne des médias russes RT et Sputnik a publié puis effacé un tweet raciste (source : Conspiracy Watch, 6 août 2018).

CALIFORNIE. L’Etat américain a été ravagé pendant toute une partie de l’été par plusieurs incendies ayant causé une dizaine de victimes et l’évacuation d’urgence de plus de 20 000 personnes. Le pyromane présumé, un homme de 51 ans dénommé Forrest Gordon Clark qui aurait effectué des séjours en hôpital psychiatrique, est aussi un conspirationniste exalté qui adhère aux théories du complot les plus excentriques (source : Conspiracy Watch, 13 août 2018).

Désinformation complotiste autour de la mort de John McCain

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Le sénateur américain John McCain s’est éteint samedi 25 août à l’âge de 81 ans. L’occasion pour la complosphère de relancer une théorie du complot sur de prétendus liens entre les Etats-Unis et Daech…

La dénaturation des propos et l’extrapolation des faits comptent parmi les méthodes de manipulation les plus prisées par les désinformateurs conspirationnistes. Ils viennent d’en fournir une nouvelle illustration ces dernières heures en réagissant au décès du sénateur américain John McCain.

Hier, les sites conspirationnistes Medias-Presse.info, Réseau Voltaire (le site de Thierry Meyssan), Wikistrike et Réseau international ont une nouvelle fois relayé l’intox selon laquelle John McCain a rencontré Abou Bakr al-Baghdadi en 2013.

Thierry Meyssan avait déjà lancé la rumeur en août 2014 : John McCain serait un « interlocuteur de longue date » du chef de l’Etat islamique. Pour ce théoricien du complot professionnel proche du régime de Bachar el-Assad, il s’agissait de suggérer que Daech n’est rien d’autre que le faux-nez des services secrets américains.

La preuve ? Le cliché d’une réunion pris en mai 2013 dans le Nord de la Syrie lors d’une visite de John McCain à des représentants de l’Armée syrienne libre (ASL). Les partisans de la théorie du complot prétendent que l’homme que l’on voit au premier plan sur la gauche de profil n’est autre que le futur Abou Bakr al-Baghdadi. Il s’agit en réalité du commandant d’une brigade liée à l’ASL n’ayant qu’une vague ressemblance avec al-Baghdadi. Du reste, McCain n’a fait aucun mystère de sa visite en Syrie, postant lui-même sur son compte Twitter une photo de sa rencontre avec les rebelles.

L’usage d’une photo pour faire croire que deux individus différents sont en réalité une seule et même personne est un procédé fréquemment utilisé par les complotistes : suite à l’attentat du marathon de Boston par exemple, une des victimes amputée de ses membres inférieurs avait été accusée, photo à l’appui, de jouer la comédie et d’être en réalité un ancien soldat ayant déjà perdu ses jambes en Afghanistan.

Revenons à John McCain. En mai 2013, poursuit le texte publié sur Réseau Voltaire, il se serait rendu dans le Nord de la Syrie « sous protection israélienne ». L’allégation est aussi gratuite qu’absurde : on sait que le sénateur américain a fait une incursion en Syrie de quelques heures, depuis la frontière turque, au Nord du pays. Mais la mention d’une « protection israélienne » a une fonction : elle permet de conforter la thèse, chère à Meyssan ainsi qu’aux régimes syrien et iranien, d’un « complot américano-sioniste » contre la Syrie.

Le Réseau Voltaire affirme ensuite que lors d’une interview sur Fox News le 16 septembre 2014, McCain aurait révélé « lui-même avoir rencontré les leaders de Daesh et être en contact permanent avec eux ». Là encore, la manipulation est cousue de fil blanc. Dans l’extrait vidéo d’une minute trente censé prouver cette allégation – et trompeusement intitulé « John McCain admet être en contact permanent avec l’EIIL » –, McCain n’affirme à aucun moment avoir rencontré les chefs de l’Etat islamique ni être en contact permanent avec eux. Ceux que le sénateur dit, dans cet extrait, « connaître personnellement », sont, sans qu’il puisse y avoir le moindre doute sur le sujet, les rebelles syriens de l’ASL. Comme le rappelle le New York Times, John McCain était « l’un des tout premiers partisans d’une action militaire directe des Etats-Unis contre l’Etat islamique ».

Google, Avicenne et la psychose anti-remplaciste de « Résistance républicaine »

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Comment un bug insignifiant de Google a alimenté le complotisme anti-musulman du site de Christine Tasin. Attention, copier-coller n’est pas jouer !

Quiconque s’est un jour approché du clavier d’un mac ou d’un PC à titre professionnel s’est nécessairement essayé au périlleux exercice du « copier-coller » : on croit savoir ce qu’on « copie » et, si on n’y prend garde, on « colle » parfois… n’importe quoi !

Pourtant, on peut comprendre qu’un programmeur informatique un peu organisé y ait quotidiennement recours : la création de la moindre petite animation, du plus modeste pop-up, de l’effet visuel le plus « basique » exige souvent l’enregistrement de pages entières de « codes » qu’on peut être tenté de s’épargner quand on se souvient avoir réalisé récemment un travail similaire. On copie alors les formules du « modèle », on s’efforce de corriger ce qui doit être actualisé, et, en principe, le tour est joué.

Ce samedi 25 août, à l’occasion du centenaire de la naissance de Leonard Bernstein, Google a remplacé son logo habituel par un « doodle », une image particulière à l’effigie du grand compositeur américain, comme il le fait couramment pour célébrer un événement marquant. Quelques jours auparavant, c’était Avicenne, le grand philosophe et médecin médiéval persan (né en août 980 ap. J-C), qui avait droit à son doodle.

Comme cela est probable, le programmeur en charge de la mise en ligne de l’animation a copié le travail précédemment effectué pour Avicenne. Après correction de ses formules, la page affichait bien la trombine dessinée du musicien, le programme de « lecture » lançait bien la vidéo commémorative prévue… Mission accomplie !

Sauf que – le diable se cache toujours dans les détails ! – un petit « sous-programme » insidieux prévoyait l’affichage d’une légende destinée aux utilisateurs indécis : si l’on est un peu trop lent à cliquer pour « lancer » la vidéo et si le curseur de sa souris est maintenu inactif un peu trop longtemps sur le doodle, on voit apparaître le texte suivant : « Il y a 100 ans naissait Avicenne ». Catastrophe ! Le programmeur dans son empressement aura bien modifié la date (100 ans) mais pas le nom de la personnalité correspondante.

Il n’en fallait pas plus pour qu’un certain Laurent P., chroniqueur pour le mal nommé site anti-musulman fondé par Christine Tasin, Résistance républicaine, y décèle la preuve d’une active propagande islamophile de la part de Google. En diffusant cette « publicité subliminale » (sic), le moteur de recherche œuvrerait secrètement en faveur du « Grand Remplacement » théorisé par Renaud Camus.

« Il n’y a que les complotistes néo-nazis racisto-islamophobes de la France moisie qui soient suffisamment déséquilibrés pour fantasmer voir dans cette erreur insignifiante le moindre indice de la propagande du Grand Remplacement qui n’existe pas ! » (sic), juge-t-il judicieux de conclure ironiquement.

Sur le « néo-nazis », les avis divergent au sein de notre rédaction. Sur le reste…

Choléra en Algérie : des députés islamistes soupçonnent la France

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Les députés islamistes Naïma Salhi (Parti de l’équité et de la proclamation) et Lakhdar Benkhallef (Parti Al Adala) suspectent la France d’être derrière l’épidémie de choléra qui s’est abattue sur Algérie depuis le début du mois d’août. Vendredi 24 août, Benkhallef s’est demandé sur son compte Facebook s’il y avait « un lien entre l’épidémie de choléra et le contrat de la société française pour les services d’eau à Alger et dans ses environs qui expire à la fin du mois d’août ». A lire sur Algérie-Focus.

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